La Dordogne massacrée dans le Lot.

Il y a les beaux discours, les belles plaquettes sur le milieu, sa fragilité, les bienfaits de la divagation de la rivière, la nécessité de racheter les terres pour laisser le fleuve manger les berges. Et puis, il y a les actes. En 2009, sous couvert de protéger une conduite d’eau, on en profite pour massacrer des ilôts, détruire des bras abritant une biodiversité incroyable et envoyer les bulldozers rectifier la Dordogne. Encore une fois, la DDEA a montré sa vision passéiste de la gestion des milieux, EPIDor ou l’ONEMA n’ont pas levé le petit doigt ou alors, pas assez haut pour éviter ce massacre. Dordogne massacrée


La Dordogne est une rivière dont le lit est finalement assez monotone. Le plus souvent, les eaux roulent sur un lit uniforme de galets dans un chenal central bordées par des berges stabilisées au fil des ans par des enrochements. Mais parfois, son visage change, des îles se forment séparés d’une multitude de petits bras qui offrent de rares mais oh combien précieux habitats pour les espèces d’eau rapide. Les ablettes, les truites, les saumons voire les brochets dans les calmes apprécient ces endroits. C’était le cas au dessus du pont de la Treyne à quelques kilomètres en amont de Souillac dans le département du Lot.

 

 Oh, dans ce cas précis, en rive droite, il y a bien un camping, mais on l’a déjà protégé par des enrochements, un bras part en rive gauche mais il n’érode pas vraiment la berge qui est bien végétalisée. De toute façon aucun risque pour la terre agricole, ni pour le pont qui est solidement ancré dans le calcaire de la rive. A pire, d’ici quelques années, l’eau viendra taper dans la falaise comme elle le fait en de maints endroits.On le voit nettement sur cette photo de l’aval du pont, la berge est constituée par une falaise de calcaire sur lequel reposent le pont et le chateau de la Treyne. Du solide !

 

Oui mais il y a une canalisation d’eau qui traverse la Dordogne à cet endroit et l’érosion du fond laisse apparaitre la conduite. Il faut intervenir. Réunion sur les lieux il y a un mois avec M le Sous Préfet, on envisage d’enterrer la conduite. C’est une opération courante, il y a plein de conduites qui traversent les cours d’eau. Il y a quelques années, une a été posée à Argentat, une autre à Monceau, difficile de voir la différence entre avant et après. On creuse une tranchée, on met la conduite au fond et on remet du galet dessus. Une fois les engins partis, ça ne se voit pas.

Je ne sais pas pourquoi (je n’étais pas au courant de tout ça avant que je ne constate le massacre), quelqu’un dans un bureau a du proposer que tant qu’on y était, ben, « vous comprenez ; ça serait plus propre non? Une belle plage à la place de ces îles ça le ferait bien non? »

 Dordogne massacrée

Et puis on a envoyer les engins payés avec l’argent du contribuable. Ben oui, c’est de l’argent public qui sert à faire les plages et à massacrer les fragiles écosystèmes aquatiques. Oh, on va bien nous sortir le risque d’innondations ou un truc comme ça pour justifier à postériori les travaux.

 Dordogne massacrée

Bon, certains vont encore penser très fort que les écolos font ch..r avec leurs bestioles, que c’était que des îles, que c’est mieux la plage… Perso, pour connaitre la Dordogne d’Argentat à l’aval de Souillac, je peux affirmer que des endroits comme celui qui vient de disparaitre ne sont vraiment pas nombreux. Et que c’est grâce à ces milieux non artificialisés que les éclusées violentes qui touchent la Dordogne sont un peu moins nocives pour le milieu. 

Ce soir, je suis révolté, mais ça va me passer avant que les îles de la Treyne ne se reforment. Je pense surtout à deux choses : 

– je me demande comment un système pourtant complexe avec des services administratifs de protections des milieux, un Etablissement Public Territorial de Bassin qui sait, des gens de la vallée qui sont très proches de leur rivière (pêcheurs, loueurs de canoës…), comment celà a-t-il pu se produire?

– puis je pense à ces truites qui nombreuses à habiter le bras magnifique qui coulait en rive gauche se retrouvent sans abris. Où vont-elles se réfugier? Où iront frayer les brochets qui venaient pondre dans les herbiers dans les calmes en aval des îles?

Voilà à quoi ressemble désormais l’amont du pont de la Treyne.

 Dordogne massacrée

Et voilà ce à quoi il ressemblait en mars 2009, avant le massacre pour qu’on n’oublie pas. Messieurs de la Préfecture du Lot, regardez cette photo. C’est ça une rivière vivante. Pas un canal bordé de plages dans lequel passe l’eau des éclusées des barrages de l’amont. Et ne nous parlez pas d’opération de dévégétalisation du lit comme vous en faites tous les ans à coups de bulls, il n’y avait pas d’arbres sur ces îles. Alors POURQUOI?

Dordogne massacrée

Fred