Et pourtant la journée était mal partie. La Dordogne
à Souillac est à 600 m3/s, il est 10 heures et je
tourne en rond au bureau pour chercher cette boite de streamer avec
laquelle Léna jouait il y a 8 jours. Je pars donc sans, juste
munis de deux streams basiques retrouvés sur la table de
montage.
Mes wadders sont toujours percés et le modèle
que je veux acheter n’est pas disponible avant 8 jours. Je quitte le
mag sans.
Lorsque j’arrive sur la Vézère le
débit réservé n’en est plus un. L’eau est très
haute, les vagues blanches sont impressionnantes. On se croirait
pendant un lâché d’eau pour les championnats de
canöe.
Pendant que je m’habille, un pêcheur au ver
sur la rive opposée peste d’avoir raté un poisson. Mais
deux coulées plus tard, il me siffle pour me montrer qu’il la
tient. Vu le bruit de l’eau je n’entend pas grand chose, je
comprends
que c’est sa cinquième, qu’elles sont dans les remous…
Il
l’a vrille dans les règles de l’art et la met dans son panier
en plastique vert comme s’il rangeait son paquet de clope en mettant
la main dans son dos sans regarder, par habitude.
Je suis
partagé entre la compassion pour ces poissons sauvages et la
joie de penser que les truites sont dehors.
Lorsqu’il me voit
descendre avec ma canne à mouche au bord de l’eau, j’ai
l’impression qu’il me prend pour un extra terrestre. Il me hurle que
c’est pas la saison, qu’il n’y a pas de mouches. Je fais oui oui de
la tête et commence à pêcher. Premier lancer,
première mouche accrochée et perdue…
Vu le courant, il n’y a d’autre alternative que de pêcher
avec des nymphes très lourdes plombées avec un casque
en tungstène. Mais revers de la médaille, les
accrochages sont fréquents. Le problème, c’est que je
n’ai pas beaucoup de nymphe très lestée et que je viens
de perdre ma deuxième casque de tunsgtène sur le
deuxième poste.
Je regarde la rivière en crue. Je me dis qu’il faut être
fou pour pêcher à la mouche aujourd’hui. Je prends une
nymphe de march brown montée lors d’une soirée montage
sur le site et recommence à pêcher en bordure. Je me
rends vire compte que je pêche en fait là où
d’habitude il n’y a pas d’eau. Bilan, l’herbe, les brindilles sont
fréquentes et la mouche s’accroche systématiquement
dedans. Je lance dons plus vers le large.
Le ferrage a été réflexe à l’arrêt
de l’indicateur. Tiens, je n’ai pas perdu la main. La première
truite de la saison est au bout. Elle n’est pas monstrueuse mais elle
est sauvage. Marbrée de noir, elle me regarde avec ses petits
yeux la prendre en photo. Elle a droit à la bise d’usage avant
la remise à l’eau.
Je relance un peu en amont, toujours en
bordure du courant central, nouvelle touche, nouveau poisson. Un peu
plus grand mais pas un monstre. Ces beaux points noirs attestent que
c’est là aussi un poisson de souche. Décidément,
les truites sont dehors.
Le problème, c’est que j’arrive
à un infranchissable. Le long du rocher, il y a bien ce petit
calme sous les ronces. Mais comment bien dériver alors que
l’espace pour poser une mouche est réduit à sa plus
simple expression. Tant pis si je m’accroche, je tente. Un mètre
de bas de ligne sorti, je « fouette » si on peu
dire. La mouche rate sa cible une fois, deux fois, trois fois. Mais
têtu, je retente encore et encore. Jusqu’à passer devant
le rocher où la touche qui devrait se produire se produit. Ca
part plutôt bien. Une demi-heure de pêche et déjà
trois truites sauvages au compteur. La dernière est la plus
belle. Elle fait la « taille » qui est de 20 cm
en haute corrèze. Elle repart après la photo comme ses
copines.
Commence alors une longue traversée
du désert. Je descends dans les gorges. J’ai beau pêcher
de la même façon, avec les mêmes mouches, des
postes aussi beaux : rien. Le soleil vient de disparaître, je
suis en forêt, les trous sont plus profonds. Je pêche
comme un damné pendant deux bonnes heures sans succès.
Je me décide à passer au streamer.
Mais ma boite me fait défaut. Je
n’ai rien d’assez lourd pour ce courant d’enfer. Il me faudrait mon
cher vairon double casque en tungstène. Une vraie enclume qui
racle le fond. Au coin d’un bloc, j’aurais quand même une
touche. Un beau poisson qui se décrochera au bout de 5
secondes de combat. J’ai sûrement trop bridé.
Voilà quatre heures que je
pêche. J’ai faim, je commence à fatiguer. Il se met à
grêler. J’arrête et je remonte à la voiture. Mais
avant de quitter définitivement les lieux, je remarque un beau
petit courant le long d’un mur de jardin. Les volets sont fermés,
la maison est visiblement vide. Je refais mon bas de ligne et lance
une mouche plus petite sur cette petite plage avec 20 cm d’eau. Je
vois le fond du haut de mon perchoir mais je ne vois pas de poisson.
Pourtant il y a bien quelque chose qui a pris ma mouche. Je ferre et
le poisson me fait dévaler une bonne vingtaine de mètre
en plein bouillon. 25 cm, c’est pas énorme mais avec ce
courant, ça tire. Ce poisson est maigre mais ces gros points
noirs sur ce ventre creux sont là pour témoigner que
des oeufs de bonne lignée sont quelque part sous les graviers.
Je relâche ce joyaux de la
nature. Reste bien dans le nokill petite truite car au dehors, les
paniers rodent.
En partant je m’arrête à
la charcuterie du coin. La saussice est bonne dans ces villages. Mais
la tarte au tâtin que j’attaque en passant sur la pont de
Peyrissac vaut son pesant de saveurs. Un vrai régal pour
clôturer une belle journée de pêche pour une
ouverture qui partait vraiment mal.
Fred