Au cours de mes pérégrinations
au bord des cours d’eau, je me prends parfois à imaginer un
ruisseau idéal.
Et pas plus tard que lundi dernier, je
suis retourné faire un tour sur mon ruisseau imaginaire.
A mon arrivée, l’air est doux.
Il sent bon le parfum des pruniers en fleurs.
L’eau court toujours aussi vite en
raison des pluies récentes mais il est pêchable. En
revanche, l’eau froide ne m’inspire rien de bon qui vaille pour la
pêche.
J’ai beau pêcher tous les jolis
postes en nymphe mais aucun poisson ne prend.
Peu importe, la vue du moulin, avec sa
table de jardin, l’eau qui vient lécher la pelouse, l’arbre en
fleur et la cheminée qui fume suffit à me remplir
d’aise. Il existe des petits coins de paradis sur cette terre. Des
coins perdus que le rythme effréné de la vie moderne
semble avoir épargné. L’eau y coule entre les berges enherbées,
les bûches s’y consument lentement, les abeilles y volent de
fleurs en fleur.
Le temps s’est arrêté un
moment pour moi si bien que j’en ai oublié la pêche.
Pas pour longtemps car des insectes
émergeaient de la surface du ruisseau. Une belle « éclosion »
de plécoptères avait lieu.
Attaquant les gorges ombragées, je
n’avais que peu de chance de voir des poissons actifs. J’ai alors
préféré redescendre un peu sur un lisse bien
ensoleillé pour mieux percevoir les éventuels gobages.
Près d’une branche plongeant
dans l’eau, un rond discret se produisait avec régularité.
Je rentrais dans l’eau, en aval du poisson. Je ne l’avais pas
effrayé. J’allais pour la première fois de la saison
pouvoir pêcher en sèche. Et malgré mes nombreuses
sorties depuis l’ouverture, je me sentais comme neuf. Quelle
délicieuse sensation que de fouetter. Il me semblait que ça
faisait 6 mois que je ne l’avais pas fait. Et effectivement, depuis
l’ouverture, j’ai beaucoup pêché mais sans faire de
faux lancés. Propulsant streamers, nymphes lourdes et noyées
plus que le les lançant à l’aide de la soie.
Un peu fébrile, je lançais
en direction de la truite. Le premier posé réussi, le
poisson décolla du fond et me fit un superbe refus juste sous
la mouche. Mais sans crier gare, pris de remords, il revint prendre
ma mouche avec violence. Sauvages ces truites! Et sauteuses en plus.
Celle là réussira à se décrocher lors de
sauts spectaculaires.
Un peu plus haut, des ronds discrets et
sporadiques se produisent le long des bordures. Les insectes volent
parfois en diagonales un long moment à la surface de l’eau
avant de décoller. Quelques sialidés plus lourds se
joignent aux plécoptères. Mon bas de ligne s’allonge en
direction d’un rond. Je suis confiant car j’ai retrouvé au
fond de ma boite une couplan grise montée sur 14 qui imite à
mon avis à la perfection les insectes qui dérivent.
Et
c’est calmement que la truitelle prend mon imitation comme elle
aurait gobé une vrai mouche vivante. Un sentiment de sérénité
m’envahit. La boucle est bouclée. Le pêcheur a observé,
imité et pêché. Je laisse les autres ronds
s’évanouir en surface pour une autre fois.
Je retourne à la réalité
alors que je suis entrain de pêcher la Dordogne à Argentat. Mon
indicateur en Yarn coule subitement dans ces eaux de neige. Le
ferrage réflexe rencontre une résistance plus douce que
celle des habituels accrochages dans des branches ou au fond. Un
poisson se débat au bout de ma ligne. Je rends de la soie pour
ne pas le décrocher.
Il me tarde de savoir s’il a bien pris
mon imitation de ver et de quelle espèce il s’agit. C’est un
blanc qui monte en surface. Mais je suis encore une fois pleinement
satisfait d’avoir su, à l’aide de fil et de poils, imiter
la nature et tromper un poisson. Je peux rentrer tranquille.
Ce soir, je dormirais bien.
Fred