Comme beaucoup d’amoureux de la Dordogne dont le moral est souvent inversement proportionnel au niveau de la Belle, je me prenais à espérer rattraper le temps perdu en juin et juillet coté pêche à la mouche. C’était sans compter sur la baisse rapide du niveau de l’eau qui a transformé des rêves de poissons en désolation devant le saccage de nombreux habitats aquatiques asséchés brutalement.
Je m’étais même remis à regarder la nature avec un oeil de photographe, captant les moindres détails colorés comme cet oeillet.
Mais au fur et à mesure de ma descente vers la rivière une vision d’apocalypse faisait place à l’espoir : il n’y avait plus d’eau.
Les plages, si fécondes sont à sec et il ne me faut pas longtemps pour retourner les pierres et découvrir l’immensité du carnage.
L’odeur de mort, plus forte qu’en hiver où ces phénomènes se produisent à une fréquence parfois plus élevée rôde insistante. Les nymphes de simulidés sèchent au soleil.
Tenant compagnie au larves d’oligos.
Les herbiers sèchent au soleil.
Il y avait la semaine dernière un demi mètre d’eau à cet endroit.
La taille de ces pieds d’herbe indique que cette plage est en eau depuis longtemps. De mémoire, le débit n’a pas été aussi bas depuis près de 11 mois. Ces milieux sont logiquement colonisés par de nombreux vertébrés et invertébrés.
La cause de ce désastre est à rechercher dans la courbe des débits. A cause du printemps pluvieux, le débit de la Dordogne est resté haut pendant de longues semaines. Voici la courbe des 30 derniers jours.
Puis, il y a 10 jours, l’eau s’est mise progressivement à baisser conformément à la consigne estivale sans causer trop de dégats.
En revanche, la fin de la baisse à été très très brutale. En 4 heures, l’eau a baissé de 18 cm à Argentat (soit approximativement de 20 m3/s). Même si ces chiffres demandent à être confirmés, cette baisse ne semble pas conforme à la consigne d’exploitation du barrage d’Argentat.
Sur Beaulieu, on assiste au même phénomène accentué par la coupure samedi matin de la Maronne.
La baisse simultanée des deux cours d’eau se culmule entrainant une baisse de 27 cm en 12 heures. Les plages colonisés depuis près d’un an sont asséchées en une demi-journée.
Les victimes les plus nombreuses sont les trichoptères qui se comptent par centaines sous les galets.
Viennent ensuite les lamproies (de Planer ou plus surement jeunes lamproies marines) dont les zones de grossissement sont les petits talus vaseux en bordure de plage.
Elles partagent leur sort funeste avec les amphibiens piégés par dizaines. Certains devront apprendre peut-être plus rapidement le rôle des poumons.
Cela fait des heureux. Corbeaux et hérons jouent leur rôle de fossoyeurs.
Et pourtant la veille cet enfer était un paradis où parfois une mouche sèche croise des poissons magiques ou géants qui font planer un pêcheur de bonheur.
Mais cet air puant de la vie qui s’évapore casse les rêves les plus fous.
POURQUOI ce massacre?
PS : contactée par téléphone, EDF ne m’a pas donné ses valeurs pour la période critique du samedi 11 h au samedi 16 heures. Selon mon interlocuteur, « le débit actuel est de 15 m3/s et la baisse a été conforme au cahier des charges ».